Agroécologie et instruments de politique publique pour des paysages agricoles multifonctionnels durables
Les travaux menés ont permis d’examiner les synergies et antagonismes entre enjeux de durabilité de l’agriculture dans un contexte de transition agroécologique. Le porteur vous explique le projet et ses résultats en vidéo !
Porteurs du projet : Vincent MARTINET (Économie Publique) & Muriel Tichit (SADAPT: Sciences Action développement - Activités produits territoires) Type de projet: projet (phare 2016-2019) Acronyme du projet: API-SMAL
Partenaires
dansBASC : Agronomie, BIOGER (Biologie et gestion des risques en agriculture), ESE (Ecologie, systématique et évolution)
La transition agroécologique s’appuie sur la mobilisation de dynamiques écologiques et la fourniture de services écosystémiques pour à la fois améliorer les performances de l’agriculture et réduire ses impacts environnementaux. Les changements de pratiques associés sont présentés comme des avantages pour les agriculteurs, car ils visent à améliorer par exemple la pollinisation, la fertilité des sols et le contrôle biologique des bioagresseurs, mais aussi comme des moyens pour contribuer aux grands enjeux globaux, tels que l’atténuation du changement climatique ou la préservation de la biodiversité. Favoriser certaines fonctions écologiques nécessite de modifier l’écosystème de manière particulière à des échelles pouvant aller de la parcelle au paysage. De telles modifications pouvant affecter plusieurs services écosystémiques simultanément, les leviers envisagés pour un enjeu de durabilité peuvent être antagonistes à d’autres enjeux. Il est donc nécessaire d’étudier les synergies et antagonismes entre pratiques agroécologiques, afin d’éclairer les arbitrages entre différents enjeux de durabilité des systèmes agricoles.
Les travaux dans la littérature étudient généralement l’effet d’un levier agroécologique sur quelques enjeux, mais il y a peu d’analyses des effets de combinaisons de pratiques agroécologiques sur des bouquets de services. La compatibilité de différentes solutions agroécologiques entre elles est rarement étudiée. Le projet API-SMAL avait pour objectif d’apporter un regard plus global en examinant la faisabilité et les conséquences de la combinaison de différentes solutions agroécologiques dans le temps et l’espace pour définir des paysages agricoles réellement multifonctionnels et donc plus durables. Pour cela, nous avons considéré de manière conjointe de nombreux enjeux de durabilité et examiné la manière dont différentes pratiques décrites dans la littérature en agroécologie les affectent. Nous avons ensuite examiné la compatibilité entre ces pratiques à différentes échelles et la manière dont elles peuvent être combinées dans le temps et l’espace pour atteindre des objectifs de durabilité donnés. Nous avons alors cherché à évaluer, via de la modélisation, comment différents scénarios d’usage des sols influencent la multi-performance des paysages agricoles.
Le projet API-SMAL a impliqué des chercheurs de sept laboratoires dans un travail interdisciplinaire (économie, agronomie, écologie, agroécologie, épidémiologie et modélisation). Le consortium impliquait également deux partenaires non-académiques qui nous ont apporté leur expérience de terrain sur la mise en œuvre de l’agroécologie par les agriculteurs (Réseau CIVAM) et sur les instruments économiques pouvant accompagner la transition agroécologique (CDC-Biodiversité).
Les travaux menés dans le projet ont permis d’examiner les synergies et antagonismes entre enjeux de durabilité de l’agriculture dans un contexte de transition agroécologique. Ces résultats bénéficient à la fois au monde agricole, au travers de l’analyse multi-enjeux que nous avons produite, mais aussi aux décideurs publics qui souhaitent accompagner la transition agroécologique par des outils de politiques incitatives. En voici trois exemples.
Une revue de la littérature analysant l’effet de pratiques agroécologiques sur différents enjeux de durabilité nous a permis d’établir un réseau reliant l’ensemble des pratiques identifiées comme prometteuses à l’ensemble des enjeux étudiés. Nous avons identifié des pratiques « gagnant-gagnant », qui ont un effet bénéfique sur l’ensemble des enjeux (ex : la diversification des cultures), des pratiques à déployer avec précaution car pouvant avoir des effets négatifs sur certains enjeux dans certaines circonstances (ex : impact de la présence de bois sur l’état sanitaire des cultures), et des pratiques potentiellement controversées au sens où elles ont des effets négatifs sur des enjeux non ciblés (ex : la réduction du travail du sol, qui peut augmenter les sources d’inoculum de certaines maladies, ou s’accompagner d’un usage accru d’herbicide entrainant une augmentation de la pollution). L’aspect novateur de ce travail est qu’il met en interaction des études focalisées sur des pratiques diverses et des enjeux différents. Le réseau peut être enrichi par de nouvelles connaissances, et servir d’outil de dialogue pour les porteurs d’enjeux.
Nous avons ensuite analysé l’effet de l’augmentation des habitats semi-naturels sur différents enjeux (production, protection des culture, séquestration du carbone). Pour cela, nous avons couplé trois modèles considérant différentes échelles, locale (paysage agricole), régionale (maille départementale) et nationale (maille régionale). Cela nous a permis d’étudier les arbitrages entre services écosystémiques à différentes échelles. L’enjeu méthodologique était de coupler des modèles conçus pour étudier des services écosystémiques différents à des échelles différentes, avec comme principal élément commun la prise en compte des habitats semi-naturels. Notre travail constitue une tentative novatrice de couplage multi-échelle pour étudier la fourniture de services écosystémiques. Il se base sur l’idée originale de créer un formalisme commun entre les modèles qui permet leur utilisation couplée.
Nous avons également étudié dans quelle mesure les différents instruments incitatifs à la disposition des régulateurs peuvent être mobilisés et adaptés pour répondre aux enjeux de la transition agroécologique. Les services écosystémiques reposant sur des dynamiques temporelles et spatiales complexes, il est nécessaire d’impliquer les bons acteurs sur le long terme et de coordonner leurs actions dans l’espace, ce qui constitue un défi majeur pour la conception de politiques publiques.
La thématique de recherche du projet API-SMAL continue d’offrir des perspectives de collaboration interdisciplinaire sur les liens entre agroécologie et économie, notamment pour concevoir des paysages agricoles multifonctionnels et les instruments de politique publique pour les implémenter.
====> Le porteur vous explique le projet et ses RESULTATS en VIDEO (journées scientifiques du LabEx BASC, nov. 2020)
> Delaune T, Ouattara M S, Ballot R, Sausse C, Felix I, Maupas F, Chen M, Morison M, Makowski D, Barbu C. 2021. Landscape drivers of pests and pathogens abundance in arable crops. Ecography. https://doi.org/10.1111/ecog.05433. Résumé court: "We sought to identify general rules characterizing the impact of the landscape on the prevalence of pests and pathogens of arable crops. We showed that the host crop area is consistently correlated with increased pressure of the pests and pathogens the following growing season. Correlations of pests and pathogens with host crop areas in the same year or with semi-natural components of the landscape (grasslands, hedgerows and forests) are less consistent and depend on the functional traits of the organisms involved."
> Legal, A., Robert, C., Accatino, F., Claessen, D. & J. Lecomte. 2020. Modelling the interactions between landscape structure and spatio-temporal dynamics of pest natural enemies: Implications for conservation biological control. Ecological Modelling. 420, 108912 https://doi.org/10.1016/j.ecolmodel.2019.108912. Résumé: "Pest control is still a major issue for the agricultural sector. Conservation biological control, which controls pests using their natural enemies (NE), appears to be a promising strategy considering the negative impacts of pesticides on the environment and human health. Conservation biological control relies on two main processes: the conservation of a large abundance of NE and their biological control function per se. To implement conservation biological control, it was suggested to increase the proportion of semi-natural habitats (SNH) at the landscape scale, because they contain important resources for NE, especially for survival during overwintering. However, empirical studies show mixed results, and the mechanisms involved are not well understood. Here, we focus on the temporality of the biological control process as a key driver of the efficiency of pest regulation and the resulting limitation of crop yield losses. Using a modelling approach, we analyse the interplay between the landscape structure and the spatio-temporal dynamics of the interactions between crops, pests, and NE in a virtual agricultural landscape comprising crops and SNH. To characterise the pest control service, we use several indicators, including crop yield response defined as a function of the temporal outcomes of the species interactions. We also test two ecological traits that are assumed to be important: pest colonisation rate and NE dispersal behaviour. We observe a positive response of the NE visitation rate of colonised crops when increasing the SNH proportion. However, optimising the pest control service at the crop cell scale requires much more SNH than maximising the visitation rate due to the influence of temporal trophic interactions. Indeed, increasing the SNH proportion makes it possible for NE to arrive at the crop cells faster after the pest colonisation, which reduces the average crop losses. However, there is a trade-off in optimising the crop yield at the cell or landscape scale, because of the conversion of the productive crop area into SNH. Overall, our results suggest that modifying the SNH proportion in agricultural landscapes can enhance the delivery of the pest control service, provided that the landscape design allows NE to arrive at the right place at the right time in the event of pest colonisation." Illustration:"Crop states (S) and transitions between states"
<==== P.Y. Hardy, A. Dray, T. Cornioley, M. David, R. Sabatier, E. Kernes, V. Souchère, 2020. Public policy design: Assessing the potential of new collective Agri-Environmental Schemes in the Marais Poitevin wetland region using a participatory approach, Land Use Policy, 97, 104724 https://doi.org/10.1016/j.landusepol.2020.104724
> Accatino et al., 2019 - Accatino, F., Tonda, A., Dross, C., Léger, F., Tichit, M., 2019. Trade-offs and synergies between livestock production and other ecosystem services. Agricultural Systems, 168, 58-72 https://doi.org/10.1016/j.agsy.2018.08.002. Résumé: "One of the biggest challenges today is to satisfy an increasing food demand while preserving ecosystem services. Farming systems have a huge impact on land cover and land use, it is therefore vital to understand how land cover and land use allocation can promote synergies between food production and other ecosystem services. Livestock production has multiple interactions with other ecosystem services and can promote synergies especially in grasslands. We investigated the interactions between livestock production and other ecosystem services and explored strategies to soften trade-offs and enhance synergies. We considered four ecosystem services (livestock production, crop production, carbon sequestration, and timber growth) in France. We considered 709 land units covering a wide range of farming systems where both food production and other ecosystem services are provided. For each land unit, we built ecological production functions that are models measuring the statistical influence of driving variables (i.e. land cover, land use, pesticide expense, and climate) on the provision of ecosystem services. Using an optimization procedure, we studied the extent to which livestock production could be increased without reducing other ecosystem services and without increasing total pesticide expense. We found that a 20% increase in livestock production could be achieved by all farming systems in France under those general constraints. The 709 land units could be grouped based on similar combinations of increases or decreases in specific ecosystem services during the optimization. 48% of land units were specialised on food production, 24% were specialised on other ecosystem services, 16% were specialised on the mixed provision of food production and other ecosystem services, whereas the remaining 12% showed decrease or no change in all ecosystem services. Livestock production was either in trade-off or in synergy with the other ecosystem services. The trade-offs could be softened through intensified use of cultivated land and spatial segregation of livestock production. The synergies could be enhanced only through major grassland expansion."
Interactions between model inputs (rounded rectangles) and outputs (non-rounded rectangles), une figure de l'article susmentionné
> Kerdraon L, Laval V, Suffert F, 2019. Microbiomes and pathogen survival in crop residues, an ecotone between plant and soil. Phytobiomes Journal 3: 246-255. https://doi.org/10.1094/PBIOMES-02-19-0010-RVW
Communications orales
> Accatino, F., Tonda, A., Tichit, M. - Exploring tradeoffs and synergies between food production and carbon sequestration in a grassland-dominated landscape based on extensive cattle systems, Presentation IALE 2019 (Milan)
> Colas, F., Norville, J., Labarthe, S., Martinet, V., Accatino, F., 2019. Interaction entre différents modèles d’agroécologie pour étudier des compromis entre services écosystémiques à différentes échelles du paysage. Presenté aux Rencontres d’Ecologie des Paysages 2019, Bordeaux, France, 5-7 novembre 2019, pp. 40-41.
> Colas, F., Norville, J., Labarthe, S., Martinet, V., Accatino, F., 2019. Interplay of agroecology models in the study of landscape ecosystem services trade-offs. Presented at the 10th IALE World Congress, Milan, Italy, p. 337.
> Devaud, N and Barbu, CM. Quantification de l'efficacité des pratiques de contrôle des maladies en grandes cultures en France. Végéphyl – 12e Conférence internationale sur les maladies des plantes. Tours – 11 ET 12 décembre 2018, Tours. Résumé: "A l'heure où l'opinion publique pousse à une réduction de l'utilisation des pesticides, l'efficacité et la nécessité des pratiques agricoles actuelles sur la protection des cultures est sur la sellette (Delbos et al., 2014; Duru et al., 2014; Bonaudo et al. 2014). Les pertes de rendement moyennes induites par les bioagresseurs sont mal connues du fait de la grande variabilité de présence des bioagresseurs et de l'apparition régulière de résistances qui dégradent l'efficacité des traitements (Comins, 1977; Jutsum et al., 1998). De plus les estimations disponibles sont généralement des pertes maximales et non moyennes, estimées en comparant des bandes traitées et non - traitées. Cela ne permet pas l'estimation de l'impact des bioagresseurs non évitée par le traitement. Ici, nous analysons des données de suivis d'épidémiosurveillance de 13 maladies et de 12 insectes dans toute la France sur une période de 9 ans. La pression de chaque bio- agresseur est calculée à l'échelle du département à partir des observations faites sur l'année. Plusieurs modèles sont ensuite testés afin de prédire l'impact d'un groupe de bio-agresseurs sur le rendement départemental de leur culture cible. Nous montrons que la majorité des bio-agresseurs étudiés n'a globalement pas d'impact significatif sur le rendement, ce qui suggère qu'ils sont bien contenus à l'échelle nationale par les différents traitements appliqués sur blé, orge et colza. La septoriose (Septoria tritici) et le puceron des épis (Sitobion avenae) sur blé, ainsi que les charançons du bourgeon et des siliques sur colza apparaissent comme les plus problématiques car ayant un impact négatif significatif dans la plupart des modèles testés."
> Sandrine Petit, Stéphanie Aviron, Thierry Caquet, Marc Deconchat, Sabrina Gaba, Chantal Gascuel, Herve Jactel, Mourad Hannachi, Claire Lavigne, Vincent Martinet, Julien Papaix, Olivier Plantard, Lionel Ranjard, Marc Voltz (2020). Valoriser les processus écologiques, hydrobiogéochimiques dans des paysages multifonctionnels. In Dedieu B., Detang-Dessandre C., Dupraz P., Hinsinger P., Médale F., Reboud X., Soussana J-F., and Thomas A. L’agroécologie : des recherches pour la transition des filières et des territoires. Collection Matière à débattre et décider, Éditions Quæ, pp.47-58, 2020, 978-2-7592-3129-4
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> Courtois P., M. Gueye, V. Martinet, R. Préget, J.-M. Salles, A. Sauquet, R. Soubeyran, J. Subervie (2019) `Quelles politiques publiques pour favoriser des paysages agricoles multifonctionnels ?' in Paysage, biodiversit e fonctionnelle et sant e des cultures, Sandrine Petit, Claire Lavigne (dir.), Sciences en Partage (Quae). Versailles, FRA : Editions Quae.
> Martinet V. and Hannachi M. (2019) `Vers une co-conception de paysages pour la santé des plantes et avec des acteurs du territoire', in Paysage, biodiversité fonctionnelle et santé des cultures, Sandrine Petit, Claire Lavigne (dir.), Sciences en Partage (Quae). Versailles, France
Vulgarisation
>Biological control: how the landscape context affects the dynamics of pests and their natural enemies, Newsletter de l'Université Paris-Saclay, Avril 2020. Extrait: "Pest control has always been a major issue for the agricultural sector. Insecticides have long been used as a means of addressing this problem. While this remains a widespread practice, a better understanding of its impacts on human health and the environment is now calling insecticide use into question. New agroecological solutions are emerging, many of them based on the principle of conservation biological control: that is, promoting pest suppression by natural enemies. Such a strategy involves converting a certain amount of agricultural area into semi-natural habitats. These habitats play an important role in the life cycle of many natural enemies of crop pests, by providing them with breeding sites for instance, or overwintering sites. However, the results obtained by empirical studies are still not well understood and there remains much to learn about the mechanisms involved."
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